Christophe Guettier rejoint Safran Electronics & Defense en 2004. En 2017, lorsque la société remporte l’appel d’offres du programme FURIOUS auprès de la DGA, il en prend la responsabilité. FURIOUS consiste à développer trois démonstrateurs de robots autonomes en mesure d’accompagner les fantassins dans leurs missions sur les théâtres d’opération. Entretien.
Depuis 2017, le programme FURIOUS a beaucoup avancé. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Christophe Guettier : Nous avons fait une bonne partie du chemin. Plusieurs étapes ont été franchies : l’essentiel des automatisations a été développé, nous avons testé nos systèmes en environnement virtuel puis réalisé des essais opérationnels en environnement réel avec l’unité VULCAIN de l’armée de Terre, dédiée à la robotique, et sous la supervision de la DGA (direction générale de l’Armement).
Quelle est la prochaine étape ?
C. G. : Pour la prochaine étape, il va falloir évaluer les performances de nos démonstrateurs dans un environnement « déstructuré ». C’est-à-dire un environnement qui reproduit les conditions d’un champ de bataille, avec ses incertitudes, ses inconnues, ses risques opérationnels. Au sein de cet environnement, les trois démonstrateurs (robot-véhicule, micro-drone, robot-fantassin 1 et robot-fantassin 2) devront être en mesure de se déplacer et de réaliser des observations en avant ; c’est donc du couplage entre navigation et observation dont il est question ici. En fonction de la mission et du contexte, les robots pourront avoir une autonomie importante vis-à-vis de l’humain, tout en interagissant efficacement lorsque la mission le nécessite. Cette étape suppose donc le développement de fonctions plus robustes que celles dont étaient dotés les robots jusqu’à présent.
L’e-tracer, le micro-drone et les robots fantassins… quelle est la priorité, in fine, du programme FURIOUS ?
C. G. : Le premier objectif reste de développer des prototypes pour étudier les fonctions d’autonomie et d’interaction de robots au sein d’une section d’infanterie ou d’un peloton de cavalerie. Il peut s’agir, par exemple, d’explorer un bâtiment à la place de soldats et de prendre le contact. Le robot doit pouvoir être substituable au soldat lorsque les conditions rendent ce dernier particulièrement exposé et donc vulnérable. Ensuite, il s’agira de basculer sur des robots plus polyvalents, qui soient en mesure d’embarquer avec eux des fonctions de missions ou encore d’évoluer dans des environnements particulièrement hostiles.
La principale difficulté, c’est de faire en sorte que le robot interprète son environnement, qui peut être très déstructuré, et réponde par une décision, ce qui implique de grandes puissances de calcul. Mais ça reste un projet de moyen terme et l’idée est de déployer les premiers robots dotés d’un niveau d’autonomie élémentaire aux côtés des forces armées entre 2025 et 2030.
Initialement, les robots de FURIOUS ont été pensés pour le combat asymétrique, type guérilla ou lutte antiterroriste. Aujourd’hui, le concept d’emploi de ces robots évolue davantage vers des conflits haute intensité et imbriqués, exposant plus de soldats. Pour autant, demain, même si on peut imaginer des cas extrêmes dans lesquels des systèmes robotisés s’affronteront directement, l’homme restera dans la boucle de décision, ce qui suppose l’émergence de conflits polymorphiques, impliquant à la fois humains et robots avec des rôles complémentaires.